La longue expansion géographique du maïs :
conséquences sur sa biodiversité

Pendant 7 500 ans, le maïs a été diffusé par l'homme dans toute la zone intertropicale de l'Amérique centrale. Il est descendu de ses montagnes d'origine vers les plateaux et plaines du Yucatán et des caraïbes puis est passé aux massifs voisins des Andes.
Il était déjà cultivé en 3 000 avant JC par les ancêtres des grandes civilisations Mochica, Chimu, Nazca sur la côte désertique du Pacifique !

L'adaptation aux zones plus basses plus chaudes et parfois plus sèches s'est faite rapidement mais curieusement le passage vers les latitudes tempérées a été très tardif.
La génétique moderne nous explique en partie cette difficulté : l'adaptation aux climats tempérés implique plusieurs dizaines de gènes, tel vgt1 (A. Charcosset 2009).

Ce n'est qu'à partir de l'an 500 de notre ère qu'on voit des chasseurs cueilleurs du Sud-Ouest des USA actuels (ceux que nous nommons Anasazi, ancêtres des Hopis et Zuñis actuels) devenir agriculteurs en intégrant la culture de leurs voisins du Sud, Olmèques et Mayas, et développer des variétés adaptées aux étés à jours longs.

Plus tard les civilisations Mississipiennes du centre et Sud-Est des USA actuels feront de même, ainsi que les populations du sud du Chili et d'Argentine parfois appelées Araucans. Lorsque les Européens ont découvert l'Amérique, le maïs était adapté à tous les climats, de la presqu'île de Gaspé au Nord du Canada à l'Argentine actuelle.

Le coût en terme de perte de biodiversité a été important. Entre 15 et 45 % des allèles, suivant les zones, n'ont pas fait le voyage. La biodiversité maximum du maïs se trouve toujours dans sa zone d'origine du Mexique, comme l'avait prédit le grand généticien russe Nicolai Ivanovich Vavilov, mort prématurément dans les prisons de Staline pour avoir pratiqué la « génétique bourgeoise ».

Les 3 « passages » aux zones tempérées semblent avoir modelé la génétique des maïs tempérés qui comprend toujours les trois grands groupes « Northern flints » (issus d'une migration vers le Nord des maïs des Anasazis), les « Southern dents » probablement d'origine « Mississipienne » et les « Argentinian flints » créés par les ancêtres des Araucans. Ces trois groupes, très différents morphologiquement et génétiquement, font toujours le bonheur des sélectionneurs « tempérés » à la recherche de l'hétérosis maximum pour leurs performants hybrides F1.

Le « grand passage » et les populations Européennes

Schéma de la diffusion du maïs en Amérique et de son transfert en Europe

A partir de 1493 le maïs passe en Europe, en Afrique en Asie dans les poches des marins et les soutes de tous les bateaux qui font la navette.
Il est difficile de reconstituer l'histoire très complexe et multi-séculaire de ces transferts, mais les outils « marqueurs moléculaires » nous permettent aujourd'hui de retrouver, par comparaison de leur gènes, les origines des variétés Européennes, Asiatiques Africaines.

Les travaux de recherche de long terme, entrepris par Pro-Maïs et l'INRA (programmes Diversité cornée et Diversité Zea), et les multiples thèses (C. Rebourg, P. Dubreuil, L.Camus) qui les ont accompagnés, permettent de faire le lien entre populations Européennes et leurs origines Américaines.Le même travail est en cours de réalisation pour l'Afrique et l'Asie.

En ce qui concerne l'Europe, il apparaît - pour simplifier - que le Nord de l'Europe (Portugal inclus) a hérité du matériel « Northern flint », que le sud de l'Europe a récupéré du matériel des Caraïbes (Sud Espagne) et surtout d'Argentine (Espagne, Italie, Balkans).
Cette nouvelle migration a encore dégradé la biodiversité du maïs : -30 % pour l'Europe du Nord, constituant la faiblesse originelle des maïs Européens.

Dans la zone « Pyrénées-Galice », les populations qui montrent une biodiversité un peu supérieure sont probablement une recombinaison des origines Northern flint et Amérique centrale et Sud. La morphologie des épis est intermédiaire : gros grain cornés comme les maïs du Nord, mais rafles coniques et nombre de rang plus élevés apportés par ceux du Sud.

Type Northern flint : (Jaune de Bade, Alsace)

Épis du maïs

Types Pyrénéens (St Créac et Bagnères de Bigorre Pyrénées)

Épis du maïs Saint Créach

Épis du maïs Bagnères de Bigorre

L'arrivée du maïs en Europe et dans les Pyrénées

  • En 1493 ou 94 : premier semis près de Séville ;
  • Au XVIe siècle, le maïs est partout en Europe, mais en très petites surfaces : jardins, collections botaniques. Premiers dessins.
  • Italie du Nord : 1554 premier champs en Vénétie, devient important début XVIIe, 1620 Bergame, 1630 Piémont, 1643 Breshia... généralisation au début XVIIIe
  • Espagne du Nord Ouest : premières références dans les Asturies 1599, Galice 1610, Pay Basque 1600, Navarre 1645, Cantabria 1608. Le maïs est devenu majoritaire au milieu du XVIIIe siècle.
  • France : premières reférences commerciales en Bresse et à Bayonne vers 1620, Castelnaudary 1637, Monein 1675, developpement rapide à partir de 1700, devient majoritaire dans l'alimentation à partir du milieu du XVIIIe malgré l'opposition des propriétaires et bourgeois. Il est devenu « Le pain du pauvre ». Avec la pomme de terre et le haricot, les plantes d'Amérique sauvent les Français des disettes de la fin du siècle.




Épis de maïs type "Northern flints"